claudialucia

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/

Depuis mon apprentissage de la lecture, les livres ont toujours tenu dans ma vie une place immense. J'ai ouvert ce blog intitulé Ma librairie pour garder le souvenir de toutes ces lectures, des émotions ressenties, des récits, des mots et des phrases qui m'ont marquée.
Le titre de mon blog est un hommage à Michel de Montaigne qui aimait à se retirer dans sa librairie (au XVIème siècle le mot a le sens de bibliothèque), au milieu de ses livres.
La librairie de Montaigne était située au troisième étage d’une tour de son château qui figure dans mon logo. Là, il lisait, méditait, écrivait. Là, il rédigea Les Essais.
Pour moi, comme pour lui, les livres : “C’est la meilleure des munitions que j’aie trouvée en cet humain voyage”.

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10 septembre 2010

Venise est un poisson de Tiziano Scarpa Christian Bourgois éditeur

"Venise est un poisson" de Tiziano Scarpa! Voilà déjà un moment que je regardais avec envie du côté de ce diable de petit livre mais je savais que si je le lisais, je serais tellement imprégnée par la ville que la nostalgie naîtrai t! Et bien voilà! C'est fait ! Quand je vous le disais qu'il était diabolique, ce Tiziano Scarpa!

"Venise est un poisson" se présente comme un guide de la ville mais un guide qui vous dit "Tu", qui vous prend par la main pour vous éloigner des sentiers battus, pour partir à la découverte d'une Venise qui n'est pas celle des touristes. Et pour cause! Tiziano Scarpa ( s'appeler Tiziano quand on est vénitien, avouez que c'est savoureux!) raconte sa ville, celle de son enfance et de ses jeux, de son adolescence et de ses premiers émois amoureux, celle aussi des adultes qui n'est pas toujours facile à vivre. Il donne ainsi les clefs pour mieux la comprendre, pour la voir avec des yeux neufs. Certes, il ne vous dit pas tout car il trouve bon de garder pour lui les petits coins discrets et authentiques de sa chère cité mais si vous faites un effort... car Venise, la vraie, l'intime, se mérite!

Mais "Venise est un poisson" est bien autre chose qu'un guide! C'est aussi une invitation au voyage qui fait appel à tous vos sens. On y apprend que si l'on voit avec les yeux (méfiez-vous de la beauté radio-active de Venise qui risque de vous terrasser, du "sublime qui ruisselle à flots des églises"), on peut y "voir" aussi avec les pieds, les mains, les oreilles, la bouche, le nez...
On y entend "le silence et le fracas de Venise, cette ville totémique habitée par des milliers d'allégories en chair et en os, du poil, des plumes, des palmes, des bestiaires symboliques, des animaux vivants plus chimériques que les lions de pierre". On y sent "la puanteur chronique" des canaux dont chacun a une odeur caractéristique. Et puis, on ne peut s'empêcher de la toucher, Venise : "Tu l'effleures, la caresses, lui donne des chiquenaudes, la pinces, la palpes. Tu mets les mains sur Venise."

"Venise est un poisson", c'est aussi une langue belle, concrète, sensuelle, une langue évocatrice et riche, pleine d'humour, qui sait faire voir, faire sentir, qui sait décrire la rugosité des pavés sous votre pied, le roulis du bateau sous vos jambes, la saveur des mots vénitiens qui roulent sous votre langue ou celle des rouleaux d'anchois, des pattes de crabe, des olives d'Ascoli qui fondent dans votre bouche. Un style qui rend sensible la profusion, le foisonnement, la luxuriance de cette ville hors du temps, un style qui rappelle l'étourdissement, le vertige qui s'emparent de vous, visiteur subjugué par la Serenissime : "Tu es prise à coups de façades, giflée, malmenée par la beauté. N'aggrave pas ton cas et cesse de courir derrière des statues et des peintures.". Et enfin la poésie est là qui surgit par exemple au détour d'une description visionnaire, celle de Venise bâtie sur pilotis : " Les Vénitiens ont enfoncé dans la lagune des centaines de milliers et des millions de pieux... Tu es en train de marcher sur une immense forêt renversée, tu es en train de te promener sur un incroyable bois à l'envers"

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25 août 2010

Le jardin de Max et de Gardénia de Fred Bernard et François Roca

Le jardin de Max et de Gardénia est un livre pour la jeunesse publié dans la collection Facettes chez Hatier destiné à être étudié en classe de CE2. Effectivement la lecture de ce livre pour des enfants de cet âge serait peut-être un peu ardue sans l'aide d'un enseignant ou d'un parent. Par contre il me paraît très riche pour l'exploitation pédagogique.

Le texte de Fred Bernard raconte l'histoire de Max, un petit chat qui vit dans un jardin modeste et a pour amie une souris, Gardénia, plus "responsable" que lui puisqu'elle est déjà grand-mère. Elle veille sur lui. Au fond du jardin, un mur interdit, le mur de tous les dangers, gardé jalousement par le terrible C.N.D.M, le Chat Noir Du Mur. Mais le jour où la maman de Max est enlevée par deux monstres velus, Max se précipite à sa suite et, accompagnée de la fidèle souris, se lance dans de folles aventures. Quels dangers affrontera-t-il de l'autre côté du mur? Rassurons-nous, l'histoire est résolument optimiste et finira bien.

Le récit est initiatique et présente la structure du conte traditionnel : Max, le petit chat, est heureux quand un évènement survient qui crée un manque : la disparition de sa mère. Pour réparer le manque, Max est obligé de partir, franchit le mur, bravant l'interdit. Il rencontre au cours de sa quête des personnages qui lui viennent en aide. Grâce à son courage et à ses adjuvants, Gardénia la petite souris, le chat noir, le chien rouge, le lapin carnivore ... il triomphe du méchant et peut retourner chez lui en ayant gagné en maturité. Le thème de l'interdit que l'on doit transgresser pour mieux atteindre l'âge adulte est donc primordial ici.

On voit aussi -et les enfants y seront très sensibles- que le récit s'apparente au genre "policier" : des animaux disparaissent. Une enquête a lieu qui mène à la découverte d'un parc et d'un château mystérieux. Le détective Max et ses auxiliaires affrontent toutes sortes de dangers avant d'élucider le mystère. Chemin faisant, des liens solides se nouent entre tous les personnages. Nous avons tous les ingrédients du club des cinq chez les animaux!

Les thèmes de l'amitié et de la solidarité sont très forts. Max n'arriverait pas à retrouver sa maman sans l'aide de ses amis. Or, avant de les rencontrer, il se méfiait d'eux. Chacun, en effet, avait une sinistre réputation et les rumeurs, les on-dits, les superstitions colportés par la pie ou le vieux crapaud entretenaient la peur des autres. Mais quand Max apprend à les connaître, il cesse d'en avoir peur. Belle occasion pour amener les enfants à une réflexion sur la xénophobie, le racisme. Rien n'est impossible. Malgré les différences, un chat peut-être l'ami d'une souris, se réconcilier avec son ennemi héréditaire, le chien, protéger le plus faible, le lapin. Il suffit d'accepter les autres comme ils sont, d'apprendre la tolérance.

Le texte ne manque pas d'humour : ainsi ces personnages sont désignés par des initiales ou plutôt des sigles. La Souris Grise Du Potager devient la S.G.D.P, Le Lapin Blanc du Labyrinthe, Le L.B.D.L, plaisanterie que l'on peut interpréter à des degrés différents.
Pour les enfants qui seront amusés par cet emploi de sigles pour désigner chaque animal, il s'agira d'une sorte de code magique comme l'on trouve parfois dans les contes traditionnels ou des formules répétées à plusieurs reprises finissent par devenir des sortes d'incantation : Tire, tire tire la chevillette.. Le sigle participera au mystère, introduira dans une sorte de société secrète que seuls les initiés pourront comprendre.

Les adultes y verront peut-être notre monde moderne qui use et abuse des sigles. Ceux-ci participent bien souvent à un jargon assez obscur qui exclue les non-initiés. Seuls les gens d'une même entreprise, d'une même profession peuvent se comprendre.( Petit clin d'oeil aux enseignants avec le CRDP : Le Chien Rouge Du Parc.). Trop souvent les sigles constituent une sorte de langage assez ésotérique qui devient un moyen de tenir les gens à distance, de leur en imposer. Dans le même ordre d'idée, les médecins de Molière parlent un latin de cuisine pour ne pas être compris de leurs malades et mieux les dominer.

A ce texte correspond les très belles illustrations de François Roca qui ne sont pas redondantes mais cherchent à le prolonger. Chacune propose une histoire à elle seule et l'enfant pourrait partir de l'image pour créer sa propre histoire. Chacune est une invitation au rêve, au voyage vers l'inconnu
Les couleurs sombres, le choix des clairs-obscurs voulus par le peintre renforcent l'impression de mystère, créent une atmosphère onirique. Les tableaux utilisent des éléments du réel : le château, le parc à la française, les statues mais glissent vers l'étrange, le fantastique. On pense aux peintres surréalistes Delvaux, Magritte mais aussi au Douanier Rousseau dans la manière de peindre la verdure, les feuillages, de suggérer un ailleurs. La galerie du château avec ses armures et ses fenêtres éclairées d'une lueur irréelle rappelle La Belle et la Bête de Cocteau .

Un livre, donc, qui présente de nombreux centres d'intérêt et qui plaira très certainement aux élèves de CE2.

Pocket Jeunesse

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20 août 2010

Claude Gutman : la fois où ... j'ai menti

Le récit de Claude Gutman : La fois... où j'ai menti fait parti d'une série de titres sur le même modèle, La fois où.. j'ai eu un animal, la fois où.. je suis resté seul, destinés à des enfants de 6 à 9 ans aux éditions Pocket jeunesse.

Comme le titre l'indique, l'histoire fait réfléchir sur le mensonge : quant à ses conséquences, je ne dévoilerai pas le suspense si je dis que aïe! aïe! la fois où j'ai menti ça s'est vraiment très mal passé! Jetez plutôt un coup d'oeil sur les illustrations de la première de couverture, ce petit garçon avec des béquilles, c'est moi! Et le dessin de la quatrième, l'ambulance qui s'éloigne, c'est celle qui me transporte à l'hôpital! Je, c'est moi, Julien, qui vous raconte l'histoire. Ma soeur, Julie n'est pas très fûtée. Quand elle ment, les parents savent que ce n'est pas vrai parce que ce sont des mensonges "faux" et elle se fait toujours punir! Moi, je suis plus malin et vous le verrez un mensonge, ça peut rapporter gros mais pas toujours! Alors méfiez-vous. D'ailleurs, si je mens, c'est parce que c'est obligatoire. A l'école, avec les copains on se raconte "tout ce qu'on sait faire". Oui, mais le jour où j'ai raconté...

Et bien, si vous voulez en savoir plus, venez me voir dans Kid Pocket. C'est Zad qui a fait mon portrait. Ma foi, je ne suis pas si mal et mon bicross est drôlement chouette. Bravo Zad!
Quant à papa Gutman, vous croyez peut-être qu'il va vous faire un brin de morale et vous dire que le mensonge, non, non, non, ce n'est pas bien. Papa Gutman, il a plus d'un tour dans son sac et à la fin... je m'en sors plutôt bien! Enfin si l'on veut! A croire que papa Gutman aime bien les petits menteurs. Je me demande même si, quand il était petit, il n'était pas comme moi.

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20 août 2010

Zozo et les chiffres de Anne-Laure Witschger Belem editions

Un petit livre bleu et carré, joli, avec en première de couverture un petit chat, Zozo, sous un croissant de lune et en quatrième, un escargot qui sème des chiffres dans son sillage. A priori, la lecture de ce livre pour enfants destinés à leur faire connaître les chiffres s'annonce bien mais certains aspects du livre m'ont parfois un peu déçue. Dès l'abord, je n'ai pas trop aimé les illustrations intérieures dont le fond uni a des couleurs qui m'ont paru agressives.

Le sujet est le suivant : Il s'agit d'apprendre la table de multiplication par dix de manière amusante. Zozo le chat aimerait être le "plus super" des animaux, or il se juge le "moins beau". Il voudrait être dix fois plus... Ainsi, il souhaiterait un nez dix fois plus long, de cette façon il aurait un nez semblable à celui de l'éléphant. Suivent d'autres exemples qui font défiler la table.

L'idée est sympathique mais les exemples ne me semblent pas bien choisis. Je sais bien que le but de l'ouvrage est une initiation à la multiplication mais je trouve dommage que les renseignements donnés sur les animaux soient aussi fantaisistes : mon petit neveu, 5 ans et demi, qui va rentrer au CP en septembre, m'a fait remarquer qu'une araignée n'a pas 40 pattes et un lion 20 oreilles... De plus, les chiffres annoncés dans le texte ne correspondent pas au dessin qui les représente, ce qui entraîne une certaine confusion : le zèbre qui devrait avoir 70 rayures en a moins, la vache n'a pas 30 taches, le requin a 10 dents au lieu de 80. Je comprends bien que les chiffres jusqu'à cent sont trop importants pour être représentés dans l'illustration mais c'est assez gênant quand on a un petit lecteur déjà pointilleux qui s'étonne de cet état de fait.

Par contre la discussion engagée à propos du livre est intéressante même si elle ne concerne pas les mathématiques : l'enfant a trouvé le livre "rigolo" parce que "Zozo est bête; il veut être dix fois plus alors que c'est impossible". Je lui ai fait remarquer que tout le monde a envie d'être autre qu'il ne l'est et il a admis que c'était vrai. : "moi, je voudrais être mille fois plus grand". Nous avons fini tous les deux par convenir que Zozo "rêvait" d'être plus beau et que finalement "on a tous le droit de rêver". Du point de vue de l'idée, le récit est donc enrichissant.

Olivier Bleys

Folio

8,90
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13 août 2010

Olivier Bleys : le colonel désaccordé

Le livre de Olivier Bleys : le colonel désaccordé est dédié à Chiquinha Gonzaga (1847-1935) pianiste et auteur de chansons brésiliennes qui a milité contre l'esclavage au Brésil. Il s'adresse aussi à tous ceux qui ont l'amour de la musique et en portent le regret.

En effet, le Brésil et la musique sont au coeur de ce roman même si le principal personnage, Dom Eduardo Alfonso Rymar, pauvre mais héritier d'un grand nom, capitaine dans l'armée portugaise, exècre les deux! Nous sommes en 1807 et le régent portugais Dom Joao et toute la famille royale quittent Lisbonne pour s'exiler au Brésil, fuyant les armées napoléoniennes. Le capitaine Rymar, qui a perdu une jambe dans une bataille, embarque sur un navire dont il doit mener à bon port le chargement précieux puisqu'il s'agit d'instruments de musique, pianos et clavecins appartenant à la noblesse. Le capitaine s'acclimate très mal à son nouveau pays et ceci d'autant plus qu'il est nommé conservateur royal des instruments à clavier alors qu'il n'a aucune notion de musique, qu'il ne supporte pas le son des instruments et qu'il ne rêve que d'en découdre à la tête d'un bataillon. C'est là pourtant, qu'il va construire sa vie, dirigeant avec l'aide de son ordonnance, Querubim, un atelier de restauration de pianos, gravissant les échelons jusqu'au grade de colonel sans livrer un seul combat. C'est là, dans ce pays en pleine évolution, qui gagne peu à peu son indépendance, qu'il va fonder une famille, reportant sur ses fils son idéal d'un métier militaire. Oui, mais son fils adoptif, Angelo, ne rêve que de musique...

Le roman de Olivier Bleys se lit avec beaucoup de plaisir. Il allie l'intérêt d'une trame historique à celui d'un récit d'aventures. La chronique du Brésil de 1807 aux années 1836 est haute en couleurs et bien documentée. L'écrivain donne un tableau vivant et animé de ce pays où la nature est luxuriante et la population tout autant. En plein devenir, le Brésil tranche avec le mode de vie collet monté du vieux pays européen. La population y est cosmopolite où se mêlent européens fraîchement arrivés, anciens colons qui forment une classe un peu à part très reconnaissable par ses vêtements colorés et aussi esclaves affranchis, produits de métissage qui tout en supportant le mépris des blancs accèdent à un statut supérieur. Les planteurs avec leur morgue et leur cruauté vis à vis des noirs sont aussi représentés. Pendant cette période le Brésil prendra conscience d'être un pays à part entière et conquerra son indépendance; il devra faire face, aussi, aux révoltes des esclaves cherchant à se libérer.

Le capitaine Rymar est une sorte d'anti-héros qui n'est pas très sympathique et qui prête souvent à rire; il ne manque pas de pittoresque avec son moignon reposant sur un pilon de bois de chêne du Portugal, qu'il refuse de changer - même si celui-ci est grignoté par la vermine- par un bois exotique du Brésil, patriotisme oblige! Voué à la musique sur ordre royal alors qu'il ne supporte pas le bruit le plus infime comme le frottement des cils sur des lunettes, il doit se se protéger en portant des oreillettes en forme d'oreilles de cocker. Militaire malchanceux, il ne remettra plus les pieds sur un champ de bataille. Traditionnaliste, conventionnel dans ses moeurs, raciste, imbu de lui-même, il tombe dans un piège et épouse une métisse dont il est amoureux qui non seulement n'est pas vierge mais a déjà un enfant. C'est un personnage à qui il arrive tellement de mésaventures que l'on finit par s'y intéresser malgré ou peut-être à cause de ses contradictions. Tous ceux qui l'entourent à commencer par le métis Eusébio qui devient son ami, sa femme Rosalia, son esclave Lisandre, ses fils , jeunes apprentis militaires, forment aussi des figures typiques de ce pays en mutation.

Enfin il y la musique, omniprésente, que nous découvrons à travers l'histoire des instruments apportés au Brésil, eux aussi en pleine évolution, les airs brésiliens, et l'amour indéfectible du fils de Rymar, Angelo, musicien contrarié dans sa vocation mais compositeur de génie.