Comment entrevoir un frisson d'éternité ? Dans l'obscurité et la pénombre de la terre .. Comme le dit la poésie d'Anne Vaulpré, on aimerait déchirer l'étoffe des ombres, détricoter les heures, oublier les larmes de cendre et de boue, oublier nos broussailles, nos disgrâces, nos ferrailles et voir derrière les visages lacérés, dans la fragilité d'un enfant ou le ravissement d'un bourgeon, l'étoile du matin.
La terre est en feu, ce temps en détresse. La nature est un livre, une Parole, un jaillissement d'étincelles: la robe du coquelicot, la cape royale du bleuet, les jardins d'hirondelle, le chant joyeux du merle ou du rossignol, les flocons de sève, la coccinelle, le chardon couronné de bleu, le bleu infini du ciel. ..
Le regard émerveillé du poète sait discerner dans le moindre spectacle offert par la nature, la splendeur de la gloire. Une gloire souterraine, fenêtre ouverte sur le mystère même de notre propre présence au monde.

S'il est des poètes en ce "temps de détresse" ce n'est pas pour invoquer complaisamment le malheur des temps mais au contraire précisément pour nous redonner ce regard émerveillé du poète qui sait discerner dans le moindre spectacle offert par la nature, comme en marge de l'Histoire et de ses turbulences, la splendeur de la grâce. La nature est en effet bien présente dans la poésie d'Anne Vaulpré, non comme une échappatoire trop facile aux scandales et aux horreurs de l'Histoire, mais comme une fenêtre encore et toujours ouverte sur le mystère même de notre propre présence au monde - seule présence capable d'en inventorier la beauté ou tout simplement de s'en étonner, et, par dessus tout, d'en rendre grâce.