Jean-Luc F.

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Conseillé par (Libraire)
23 avril 2019

Un subtil roman noir

Premier roman de R.J. Ellory, aujourd’hui seulement traduit en français, Les fantômes de Manhattan porte en germe ce qui constitue la force de l’œuvre de cet auteur anglais dont tous les romans se déroulent en Amérique.

L’écriture est séduisante : ici alternent ce qui ressemble à une comédie romantique (il y a même une librairie qui ressemble à celle de "Notting Hill") et un récit violent, inscrit dans l’histoire de l’Amérique d’après-guerre , que la quatrième de couverture compare à "Il était une fois en Amérique" de Sergio Leone ; l’intrigue, peut-être un peu ténue, est néanmoins savamment construite, et réussit à nous surprendre dans son ultime rebondissement. Les personnages sont plus complexes qu’il ’y parait dans un genre qui relève du roman noir, et celui de l’héroïne, Annie, la jeune femme qui tient cette petite librairie de Manhattan, surprend par la finesse d’analyse des émotions, et des sentiments qui la traversent. Et, ce qui ne gâche rien, R.J. Ellory rend constamment présent le décor de son histoire, Manhattan, qu’il décrit parfois avec un lyrisme convaincant.

Jean-Luc

Conseillé par (Libraire)
20 avril 2019

Un coup de maître !

Coup d'essai, coup de maître. Nathan Hill, jeune auteur américain (il est né en 1975) livre ici un premier roman magistral, un vrai grand (et gros) roman comme seuls les Américains savent les écrire, dans la lignée d'un Jonathan Franzen ou d'un Russell Banks.
Le héros, Samuel, enseignant de littérature dans une petite université, et écrivain en panne d'inspiration, se voit contraint par son éditeur, auprès de qui il est engagé par un contrat, d'écrire la biographie de « Calamity Paker », une vielle dame poursuivie pour terrorisme au prétexte qu'elle a jeté une poignée de gravier sur un futur candidat à la présidence. Il se trouve que Calamity Paker, qui se prénomme en réalité Faye, est la mère de Samuel, qu'elle a abandonné quand il était enfant, pour vivre une vie de femme libre. Les images de l' « attentat », inventé de toute pièce pour booster la campagne du candidat tournent en boucle sur les télévisions et les réseaux sociaux, une étudiante au bras long fait exclure son professeur parce qu'il l'accuse (à juste titre) d'avoir fraudé, un ex-militant d'extrême gauche vend ses services d'avocat à un politicien d'extrême droite : Les fantômes du vieux pays est un portrait au vitriol d'une Amérique malade. C'est aussi un récit foisonnant, qui emboîte les époques, multiplie les personnages (celui de Pwnage, un « geek » que la pratique compulsive du jeu vidéo finit par rendre fou, est particulièrement savoureux), nous emmène d'un bout à l'autre des l'Amérique (les bords du Mississippi, Chicago, New York, et jusqu'à Hammerfest, « la ville la plus au nord du monde », en Norvège), et varie avec virtuosité les genres (une partie du roman, celle qui raconte la rencontre de Samuel et de son amour d'adolescent, Bethany, est écrite sous la forme d'un « roman dont vous êtes le héros » ; une autre partie nous plonge au coeur les émeutes étudiantes de Chicago, en 1968, façon reportage de guerre). C'est enfin une histoire qui parle à chacun d'entre nous, au fond de qui sommeille un « vieux pays » qu'il nous faut regagner pour échapper à la folie, ou à la tristesse, ou à la bêtise du présent. Pour Faye, la mère, ce sera le pays de son père, la Norvège qu'il a fuie quand les Allemands l'ont envahie, et dont il a gardé la nostalgie toute sa vie, dans une Amérique où il n'a pas été heureux. Pour Nathan ce sera l'amour de Bethany, qu'il n'a jamais oubliée, et dont il découvrira à la fin du livre, qu'elle non plus ne l'a pas oublié.

Conseillé par (Libraire)
6 avril 2019

Un coup de maitre !

Coup d'essai, coup de maître. Nathan Hill, jeune auteur américain (il est né en 1975) livre ici un premier roman magistral, un vrai grand (et gros) roman comme seuls les Américains savent les écrire, dans la lignée d'un Jonathan Franzen ou d'un Russell Banks.
Le héros, Samuel, enseignant de littérature dans une petite université, et écrivain en panne d'inspiration, se voit contraint par son éditeur, auprès de qui il est engagé par un contrat, d'écrire la biographie de « Calamity Paker », une vielle dame poursuivie pour terrorisme au prétexte qu'elle a jeté une poignée de gravier sur un futur candidat à la présidence. Il se trouve que Calamity Paker, qui se prénomme en réalité Faye, est la mère de Samuel, qu'elle a abandonné quand il était enfant, pour vivre une vie de femme libre. Les images de l' « attentat », inventé de toute pièce pour booster la campagne du candidat tournent en boucle sur les télévisions et les réseaux sociaux, une étudiante au bras long fait exclure son professeur parce qu'il l'accuse (à juste titre) d'avoir fraudé, un ex-militant d'extrême gauche vend ses services d'avocat à un politicien d'extrême droite : Les fantômes du vieux pays est un portrait au vitriol d'une Amérique malade. C'est aussi un récit foisonnant, qui emboîte les époques, multiplie les personnages (celui de Pwnage, un « geek » que la pratique compulsive du jeu vidéo finit par rendre fou, est particulièrement savoureux), nous emmène d'un bout à l'autre des l'Amérique (les bords du Mississippi, Chicago, New York, et jusqu'à Hammerfest, « la ville la plus au nord du monde », en Norvège), et varie avec virtuosité les genres (une partie du roman, celle qui raconte la rencontre de Samuel et de son amour d'adolescent, Bethany, est écrite sous la forme d'un « roman dont vous êtes le héros » ; une autre partie nous plonge au coeur les émeutes étudiantes de Chicago, en 1968, façon reportage de guerre). C'est enfin une histoire qui parle à chacun d'entre nous, au fond de qui sommeille un « vieux pays » qu'il nous faut regagner pour échapper à la folie, ou à la tristesse, ou à la bêtise du présent. Pour Faye, la mère, ce sera le pays de son père, la Norvège qu'il a fuie quand les Allemands l'ont envahie, et dont il a gardé la nostalgie toute sa vie, dans une Amérique où il n'a pas été heureux. Pour Nathan ce sera l'amour de Bethany, qu'il n'a jamais oubliée, et dont il découvrira à la fin du livre, qu'elle non plus ne l'a pas oublié.

Un portrait subjectif

Desclée De Brouwer

19,00
Conseillé par (Libraire)
6 février 2019

Shakespeare : une initiation

Victor Hugo qualifiait Shakespeare de « panier percé du génie ». Eugène Green, qu'on connaît surtout comme cinéaste et spécialiste du Baroque, nous fait entrer, ici, dans cette œuvre monumentale s'il en est, qui constitue à elle seule un monde, qu'est l’œuvre de Shakespeare.
C'est érudit, mais brillant, parfois exigeant, mais souvent vif et enlevé, et toujours très personnel , en particulier quand l'auteur aborde les questions de la poésie, de la diction, et de la traduction. Une initiation, dans le meilleur sens du terme.

La Grande Ourse a eu le plaisir de recevoir Eugène Green, dans le cadre de son partenariat avec l'Académie Bach, lors de la sortie du livre, en janvier 2019.

Jean-Luc

Conseillé par (Libraire)
3 décembre 2018

Les vivants et les morts

On ouvre ce livre presque par hasard, parce qu’on a entendu son auteure parler merveilleusement de Guillaume Apollinaire, un matin sur France Culture. Et l’on découvre un des plus beaux récits qu’on connaisse sur la Première Guerre Mondiale, un des plus beaux romans tout court qu’on ait lus depuis longtemps. Laurence Campa, qui a écrit une biographie d’Apollinaire et publié une partie de sa correspondance se nourrit de la connaissance intime qu’elle a et du poète et du combattant. La description de l’univers des tranchées, à travers les yeux d’un jeune lieutenant, Eugène Thomas, est d’une précision et d’une intensité hallucinatoires. Celle du courage et du désespoir de ces hommes condamnés à tenir une position intenable sur le front de la Somme et qu’Eugène voit disparaitre les uns après les autres, est poignante. L’écriture de Laurence Campa, d’une grande puissance d’évocation, n’y est pas pour rien. A commencer par le titre du livre, dont le mystère ne se révèlera qu’à la fin, quand Eugène, gravement blessé, convalescent, osera de nouveau se souvenir de la belle Colombe, et ainsi, revenir dans le monde des vivants.