Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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Conseillé par (Libraire)
5 octobre 2023

Agathe vit à New-York où elle exerce sa profession de réalisatrice de cinéma. Elle revient dans le Périgord pour vider la maison vendue après le décès de son père. Elle y retrouve sa petite sœur Véra, qui est restée proche de la maison de famille, avec qui elle n'a plus eu de contacts depuis quinze ans. Pendant quelque jours, elles vont loger dans ce lieu plein de souvenirs. Agathe réalise qu'"aussi loin que j'arrive à remonter dans ma mémoire, Vera s'y trouve quelque part. Sauf l'enterrement de notre père, je réalise que je ne partage aucun souvenir d'adulte avec elle". Car Véra est aphasique depuis l'enfance et Agathe l'a protégée jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus, avant de la fuir pour New-York et une vie intense.

Comment les deux femmes vont-elles collaborer pour vider cette maison sans se reprocher ce qui est resté en suspens lors de leur séparation ? Comment Agathe va-t-elle respecter l'autonomie de Véra qu'elle a beaucoup protégé ? Pourront-elles se parler, se confier après tant d'années de silence ? Comment Octave, le voisin, va-t-il se comporter avec Agathe qui peut se trouver coupable d'avoir abandonné sa famille ?
Ce court roman d'Elisa Shua Dusapin est empreint de douceur et décrit avec une grande délicatesse la relation des deux jeunes femmes. Les gestes, les paroles, le silence, leurs promenades dans la nature décrivent ce qui se passe entre ces deux sœurs jadis fusionnelles qui sont devenues des étrangères. Par petites touches, elle dit l'admiration d'Agathe pour la métamorphose de Véra qui, en écrivant sur son smartphone, montre bien qu'elle se débrouille très bien dans la vie quotidienne. Des deux, c'est bien Agathe qui a le plus à faire pour renouer avec sa sœur.
Elisa Shua Dusapin écrit des romans courts, ce qui est en soi très plaisant, avec une écriture ciselée et sensible, maniant la douceur et la dureté de la vie telle qu'elle est. C'est beau !

Ukraine années 2022-2023

Actes Sud

23,00
Conseillé par (Libraire)
3 octobre 2023

Olga est ukrainienne t vit à Paris où elle exerce la profession de caviste. Sa sœur, Sasha, professeure de français, vit à Kiev. Depuis le 24 février 2022, elles entretiennent une correspondance, avec l'aide de la journaliste Elisa Mignot qui l'a publiée dans "M le Magazine du Monde".

C'est à la fois un journal intime et un journal de guerre public. Les lettres qu'elles s'adressent nous mettent au contact de la guerre. Elles nous font voir ce qui se passe dans leur intimité, l'angoisse constante, la peur, la terreur. Elles décrivent la ville qui n'est plus en paix, les rues détruites, le bruit des sirènes, le sifflement des bombes, les descentes dans les caves pour être à l'abri, le sac d'affaires prêt pour la fuite, puis dans la rue "marcher en respirant par petites craintes sèches"… tout ce qui devient pour elles habituel. Pour Olga, il y a l'inquiétude, la culpabilité d'être loin. Alors qu'on s'attendrait à une peur continue de mourir, c'est plutôt l'espoir de continuer à vivre avec ses proches qui domine, soutenue par de l'entraide. Car même dans un pays en guerre, la population civile s'efforce de mener une vie normale, pour ne pas se laisser dominer par le pessimisme et le désespoir, de rester courageuse.
Pour le lecteur français informé par la presse de l'état de la guerre, c'est une manière sensible et souvent émouvante d'éprouver ce que c'est que vivre sous la guerre.
Lire ce journal est une forme de solidarité avec les Ukrainiens.

Éditions de l'Homme Sans Nom

21,90
Conseillé par (Libraire)
26 septembre 2023

À Venise, huit personnes employées par la même clinique suisse logent dans le même hôtel. Sept d'entre elles sont retrouvées mortes. Louise Michel est la seule rescapée que la police soupçonne fortement d'être l'auteure de ces meurtres mystérieux. Aucune trace de la cause de la mort n'ayant été trouvée, elle est libre de rentrer à Neufchâtel. Affolée, elle contacte une organisation, la Sainte-Cécile qui lui envoie deux enquêteurs, Évariste et le jeune Isabeau.

Sur place, ils découvrent une clinique fondée par Marcel Sorel qui a perdu son fils pendant la Seconde Guerre, pour venir en aide à ceux qui ont souffert de traumatismes psychologiques. Se développant, elle soigne aussi des enfants, dont certains de bonnes familles de la ville. Une banque vaticane soutient cette clinique.
Le duo improbable d'Évariste dont la mémoire est immense, et d'Isabeau qui est plus fin que semble croire son collègue, va avoir des difficultés à trouver des indices et à démasquer le ou la coupable.
Entre deux chapitres, un prisonnier anonyme du camp de Struthof raconte dans son journal, l'enfer le la vie dans ce camp.
Oren Miller met en scène le duo d'inspecteur dans ce troisième roman. Il fonctionne plutôt bien. Le roman s'intéresse à la maltraitance psychologique poussée à son maximum, dans le but d'asservir les personnes en manipulant leur psyché, et en les programmant pour des actes malveillants ou criminels.
L'intrigue tient jusqu'aux dernières pages. Le contexte permet des moments d'horreur.

18,90
Conseillé par (Libraire)
8 septembre 2023

Dans son trente-deuxième roman publié, Amélie Nothomb exprime son amour pour les oiseaux et comment elle se représente en oiseau, surtout en cet "engoulevent oreillard" qui a l'apparence d'un dragon.

La fille de diplomate évoque sa vie dans des lieux où le métier de son père l'a menée : le Japon, la Chine, la Birmanie, le Laos, la France et la Belgique. Et le Bangladesh où, à l'âge de douze ans, elle a été violée. Viol qu'elle a raconté dans "Biographie de la faim" en 2004. Il est ici raconté en deux lignes, ce qui compte n'étant pas de narrer le détail des faits, mais de dire l'impact qu'il a eu dans sa vie. Elle cite aussi l'anorexie "qui lui a donné l'envie de rejoindre la mort en elle". C'est ici que surgit le psychopompe, celui qui approche les morts, celui qui, dans la mythologie, "accompagne les âmes des morts et les fait traverser le fleuve des enfers dans les deux sens". Un oiseau, si on regarde la représentation du Saint-Esprit dans la Trinité chrétienne.
Alors, "écrire, c'est voler". C'est se lancer dans l'écriture comme l'oiseau s'élance dans l'air, chose très difficile, et risquer de se perdre, de chuter.
Amélie Nothomb interprète sa vie comme étant une expérience de psychopompe. C'est patent lorsqu'elle parle de "Soif" où elle devient "le psychopompe du Christ", "celui dont le trépas fut le destin suprême, l'escorter au moment précis de sa mort et après". Et plus encore pour l'écriture de "Premier sang", son père et elle dialoguant des mots qu'ils ne s'étaient pas dit de son vivant.
Psychopompe est un roman important dans l’œuvre d'Amélie Nothomb. L'écrivaine raconte comment elle a découvert le monde, comment elle le lit, de quoi tient son style littéraire, comment elle trouve des sens très personnels aux événements qu'elle traverse, tout ceci à vol d'oiseau. Une fois de plus, elle surprend avec sa vision originale, ses mots méconnus, son tallent de conteuse, sa faculté à raconter son histoire qu'on croit déjà connaître. Elle nous offre de la côtoyer dans son vol, sa lutte contre la pesanteur, sa recherche de lumière, et de percevoir, nous aussi, autrement le monde, d'en découvrir des détails que, terriens, nous ne soupçonnons pas.

Conseillé par (Libraire)
1 septembre 2023

La Dalécarlie est une région de Suède réputée pour ses grandes étendues de forêts, ses rivières, ses cascades et ses lacs. C'est l'endroit idéal pour la pêche, le kayak, les loisirs aquatiques, la randonnée. La Suède n'a été inquiète du réchauffement climatique sauf quand, en 2014 et 2018, des feux de forêts géants ont désorganisé le pays, paralysé les autorités et mis à mal la cohésion sociale.

Jens Liljestrand ne raconte pas les feux de forêts, mais ce que vivent et ressentent les individus qui les fuient. Dans le roman, ils sont quatre personnages principaux qui donnent le titre à quatre parties : Didrik, le père de famille consultant en médias qui pense faire ce qu'il faut pour sauver les siens, Melissa l'influenceuse qui rêve d'écrire, André le fils d'un joueur de tennis ayant eu son heure de gloire, qui est en mer au moment des incendies, Vilja, la jeune adolescente fûtée, fille de Didrick qui va mûrir d'un coup et faire beaucoup pour les autres. D'autres personnages jouent des rôles importants, Carola, la compagne de Didrick et Becka, leur bébé, Zachk, le jeune frère dont Vilja s'accuse de la disparition, Puma qui se verrait bien en petit ami de Vilja s'il n'avait pas une copine, Linnea.
Fuyant les incendies, les personnages sont livrés à l'errance, dans des embouteillages monstres, au déchaînement des violences. Ils se perdent, se livrent des pillages pour survivre. Chacun réagit à sa façon, parfois avec courage, s'indignant des carences des institutions, se mettant en colère, fuyant lâchement.
Ce roman post-apocaplyptique interpelle, évidemment. La description très réaliste incite à prendre conscience de notre dépendance aux technologies, à l'électricité, aux transports automobiles, aux commerces alimentaires et de notre éloignement de la nature. Pourrions-nous survivre dans une situation identique ? La lecture du roman impose de confronter notre vision du réchauffement climatique et ce que nous pensons de ce que serait notre comportement à la réalité que documente Jens Liljenstrand.
Un roman passionnant qui ne peut laisser indifférent.