claudialucia

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/

Depuis mon apprentissage de la lecture, les livres ont toujours tenu dans ma vie une place immense. J'ai ouvert ce blog intitulé Ma librairie pour garder le souvenir de toutes ces lectures, des émotions ressenties, des récits, des mots et des phrases qui m'ont marquée.
Le titre de mon blog est un hommage à Michel de Montaigne qui aimait à se retirer dans sa librairie (au XVIème siècle le mot a le sens de bibliothèque), au milieu de ses livres.
La librairie de Montaigne était située au troisième étage d’une tour de son château qui figure dans mon logo. Là, il lisait, méditait, écrivait. Là, il rédigea Les Essais.
Pour moi, comme pour lui, les livres : “C’est la meilleure des munitions que j’aie trouvée en cet humain voyage”.

21,00
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4 septembre 2014


Je viens de lire le roman de l'écrivaine canadienne, Annabel Lyon, intitulé : Aristote, mon père. C'est la suite, - même si l'on peut le lire indépendamment- , de Le juste milieu où l'on rencontre déjà Aristote, sa fille Pythias et sa concubine Herpyllis. Mais je n'ai pas lu ce dernier et voilà qui répond un peu à une première frustration : j'aurais aimé que le roman approfondisse le portrait d' Aristote et et développe sa philosophie mais.. cela a dû être fait dans le roman précédent.

En fait, Aristote, mon père, raconte la fin de vie du philosophe et comme le titre l'indique donne la place primordiale à sa fille Pythias dite Pytho.
L'auteure a pris pour point de départ un passage du testament d'Aristote qui concerne sa fille : "Lorsque ma fille aura l'âge requis, on la donnera en mariage à Nicanor". Mais à la mort d'Aristote, qu'adviendra-t-il de Pythias si Nicanor, son cousin parti à la guerre, ne revient pas?

Aristote, macédonien, qui a été le professeur d'Alexandre, vit à Athènes où il a créé son école Le Lycée. Il jouit d'une grande renommée, réunit tous les grands esprits de la ville chez lui et se préoccupe de l'instruction de sa fille Pythias. Celle-ci est intelligente, curieuse, a soif d'apprendre et se révèle une élève brillante qui connaît toute l'oeuvre de son père et est capable de tenir tête dans les discussions aux plus grands savants. Mais elle est de sexe féminin et la société grecque voit d'un mauvais oeil une fille accéder au savoir. Quand celle-ci devient femme, le père adopte un lointain cousin, Jason, surnommé Myrmex, "petite fourmi", qui lui a été envoyé par la famille. Sans jamais cessé d'aimer Pytho, il va l'écarter des études et reporter son attention sur le garçon..
Cependant les Athéniens, vaincus par Alexandre et plein de rancoeur contre les Macédoniens, le considéreront toujours comme un étranger, lui et sa famille. Aussi à la mort de l'empereur, Aristote est obligé de quitter la ville sous les huées et les jets de pierres des Athéniens. C'est l'exil qui se terminera par la mort d'Aristote et c'est aussi la fin de la première partie. Les deux autres parties sont consacrées aux épreuves subies par Pythias, laissée seule, sans argent, dans un univers hostile aux femmes où, en l'absence de mariage, elle ne peut emprunter que trois voies : Prêtresse, sage femme et prostituée. Je vous laisse découvrir ce qu'il advient d'elle.

Disons tout de suite que mon avis est mitigé sur ce roman.
La première partie, à Athènes, celle de l'accession de Pytho au savoir m'a intéressée. j'aurais aimé, cependant, plus de détails sur les méthodes pédagogiques d'Aristote et sur ce qu'il enseignait, j'aurais voulu que l'érudition de Pythias soit plus apparente moins anecdotique même si les embryons d'idées qu'elle présente sont intéressants :

"- J'ai appris des choses sur le changement dans l'espace, le temps, la substance. J'ai appris des choses sur le mouvement. J'ai appris des choses sur l'être éternel et parfait, celui que papa appelle le moteur immobile
- Sur Dieu, intervient Krios.
-Sur Dieu comme nécessité métaphysique, dis-je. Lointain, détaché, perdu dans la contemplation
-Vous l'avez vraiment encouragée à s'épanouir dit Krios à mon père
- Ca commence à devenir un problème, rétorque papa.

Mais l'auteure décrit bien la civilisation grecque. Elle nous fait part de nombreux détails qui nous éclairent sur les rites religieux et funèbres, sur la vie quotidienne, le marché, la nourriture, sur la condition féminine, les règles, le mariage et surtout elle essaie avec succès de faire revivre les mentalités. Elle décrit la place qu'occupe la femme dans la société et son infériorité déclarée par rapport aux hommes. On voit comment Herpyllis, la concubine d'Aristote, qui lui a donné un fils Nicomaque, n'est pas reconnue et conserve son statut de servante, d'inférieure, non aux yeux d'Aristote, mais de la bonne société. On comprend alors combien, malgré ses limites, Aristote était un homme éclairé et ouvert pour l'époque.
j'ai pourtant moins apprécié les deux autres parties du roman sur les tribulations de Pythias après la mort de son père. D'abord qu'est devenue son érudition? En quoi la fille d'Aristote est-elle différente de n'importe quelle jeune fille tombée dans l'indigence? L'histoire m'a paru alors décousue tant au point de vue du style que du récit, rapide et parfois peu convaincante. De plus je ne comprends pas Pytho, Mirmex est très antipahique et sa psychologie est à peine esquissée. Les autres personnages, Herpillys, Nicomar, les esclaves disparaissent. Et je n'ai eu aucune empathie envers ceux qui restaient. J'ai donc été déçue par cet aspect du roman.

En résumé, le livre présente des moments intéressants qui sont liés à la vision historique que nous donne l'auteure mais j'ai moins adhéré à l'aspect fictionnel et l'analyse des personnages m'a paru insuffisante..

Éditions Gallmeister

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4 septembre 2014

David Vann : dernier jour sur terre

David Vann ne fait jamais dans la guimauve! C'est le moins que l'on puisse dire! J'en étais restée à ses Désolations, livre qui m'avait pas mal secouée et le voilà qui récidive avec une biographie qui porte le titre bien approprié d'une chanson de Marylin Manson : Dernier jour sur la terre ou Last day of summer.
Vous jugerez du livre d'après l'incipit qui donne le ton : Après le suicide de mon père, j'ai hérité de toutes ses armes à feu. j'avais treize ans". Cela fait froid dans le dos, non? et ce qui suit encore bien plus!


Car le petit David Vann traumatisé par le suicide du papa va très mal. Il s'amuse à tirer sur les lampadaires du lotissement voisin. Il lui arrive même de viser le voisin avec la Magnum 300. Qu'est qui le retient d'appuyer sur la gâchette? Pourquoi a-t-il été échappé à l'irrémédiable et qu'est-ce qui a poussé, au contraire, Steve Kazmierczak, un jeune homme de 27 ans à aller jusqu'au bout, à devenir ce tueur de masse qui tire sur des étudiants de North lllinois University le 14 février 2008?
David Vann mène une enquête approfondie en étudiant les archives transmises par la police, le courrier de Steve et de ses ami(e)s, mais aussi en rencontrant les professeurs et les familiers de Steve, tous persuadés que celui-ci était un homme intelligent, gentil, incapable de commettre un tel meurtre. Et pourtant, l'enquête de Vann dévoilera les zones obscures du tueur, les haines racistes qui le rongeaient, les angoisses qui l'étouffaient, les Tocs dont il souffrait et sa maladie mentale qui n'a cessé de s'aggraver d'année en année.
Si David Vann s'intéresse à ce cas, ce n'est pas pour la recherche du sensationnel ou par morbidité. C'est pour jeter un cri d'alarme, pour dénoncer les dysfonctionnements et les aberrations des lois américaines qui permettent à chaque citoyen de s'armer. Il met en cause les mentalités d'une grande majorité des américains prêts à entrer en guerre si l'on menace de limiter le port d'armes et la responsabilité des parents qui forment leurs enfants aux armes à feu dès leur plus tendre enfance. David Vann a appris à tirer dès sept ans et a eu son premier vrai fusil à l'âge de neuf ans. Steve est lui aussi initié très jeune et, en cachant sa maladie, il peut se procurer librement toutes les armes et les munitions qu'il souhaite..

"Après la fusillade de NIU, le pouvoir législatif tenta de faire passer une loi qui aurait pu limiter l'achat d'armes à poing à un pistolet par mois, ce qui impliquait tout de même qu'une personne pouvait se procurer douze armes pas an, et même cela n'a pas été voté.. Chaque fois que je roule dans Champaign pour interviewer Jessica, je vois des panneaux en bordure de route qui affirment : les armes sauvent des vies. Si ça ce n'est pas de la manipulation, qu'est-ce qu'on entend alors par "manipulation"?

Pèse aussi dans la balance la maladie mal soignée, la bipolarité de Steve encore accentuée par l'abus des médicaments, par l'impuissance des parents, par le rejet des autres face à l'étrangeté ou la bizarrerie. Les structures qui sont censées encadrer ces malades mentaux ne sont pas la hauteur et finissent, après les avoir abrutis de médicaments, par les laisser partir sans soin dans la nature! Son passage dans l'armée aggrave encore son état!
Les idéologies de la haine que ce soit celle du nazisme ou du Ku Kux Klank ainsi que les films violents qui aboutissent à une insensibilité et à une accoutumance au Mal jouent aussi un grand rôle dans la dérive du tueur de masse. On sait que Steve Kazmierczak y était accro! L'on peut y ajouter ce que David Vann appelle "la honte sexuelle", une homosexualité mal vécue ou un viol dès l'enfance qui génère un comportement déviant. Tous ces facteurs semblent avoir pesé sur Steve et l'ont transformé en monstre.

Mais on ne naît pas "tueur de masse", on le devient et il faut des années pour en arriver à ce point de non retour. Il est beaucoup plus facile de dire que Steve Kazmierczak était un monstre et que l'on ne pouvait rien faire pour l'éviter. Cela évite de poser les responsabilités. Pourtant Steve a essayé de se suicider à maintes reprises. C'est ce que rappelle David Vann et son livre résonne comme un cri d'alarme un peu désespéré, un avertissement qui semble bien ne pas avoir beaucoup d'échos dans son pays. Un livre marquant.

"Il s'avère que je n'ai pas tant de points communs avec Steve. Je ne partage ni son racisme, ni son libertarisme, ni son amour des films d'horreur, sa fascination pour les tueurs en série, le service militaire, la sexualité ambivalente, les rencontres obsessionnelles sur le Net, les prostituées, les médicaments, le passé psychologique troublé, les amis dealers, la mère dérangée, l'intérêt pour les maisons d'arrêt, etc. Mais j'ai hérité des armes paternelles à treize ans, à l'époque où je débordais d'hormones, où le monde n'avait plus aucune importance à mes yeux depuis que mon père avait porté son arme à sa tête. Je n'avais rien à perdre. Et j'avais été le témoin de beaucoup de violence."

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1 août 2014

Le testament du magicine ténor


Avec Le testament du magicien ténor, je lis pour la première fois un livre de César Aria, un des grands noms de la littérature argentine.
L'histoire? Un magicien suisse à la retraite vend ses tours de magie l'un après l'autre pour vivre mais sentant sa mort prochaine, il décide de léguer son dernier tour, le plus extraordinaire, - celui qui lui permet de monter et de descendre en même temps un escalier- à Bouddha l’Éternel. Le président Hoffman qui est l'exécuteur testamentaire confie le secret enfermé dans une enveloppe scellée à Jean Ball, un jeune avocat. Celui-ci part immédiatement en Inde où vit Bouddha l’Éternel, un petit être minuscule, avec l'énigmatique madame Gohu, sa gouvernante. Sur le bateau, Jean Ball a une liaison avec Palmyra , brillante étudiante indienne, qui retourne chez elle à Bombay. Que va-t-il se passer en Inde?

A cette question, j'avoue ma surprise car rien ne se passe comme je l'attends. J'ai l'impression d'être non seulement en face d'un anti-héros mais aussi d'un anti-roman qui part dans des directions si étranges que l'action a l'air de se défaire au lieu de se faire. Par exemple, le lecteur s'attend à ce que Jean Ball rencontre le Boudha; il s'attend aussi à ce que l'on reparle du tour de magie qui l'intrigue et le ferait entrer dans une dimension fantastique car il ne s'agit de rien de moins que de se rendre maître du temps. Si l'on peut monter et descendre un escalier en même temps, n'accède-t-on pas à l'immortalité? Et bien non, ces pistes ne débouchent sur rien! L'histoire d'amour tourne court; la découverte de l'Inde aussi, malgré la visite de Bombay, car le "héros" s'enfuit après trois jours passés dans ce pays! Je vous l'ai dit, un anti-roman!

Voilà un livre qui me déroute totalement à sa lecture! La langue en est simple, belle, élégante, mais je n'ai pas la clef pour entrer dans cette œuvre. Les nombreuses critiques de presse sont unanimes pour en célébrer la grandeur, soulignant surtout sa portée onirique… sans donner d'autres pistes. Moi, j'y ai vu pourtant une bonne dose de réalisme, surtout dans la description de la vie de Bouddha et de sa gouvernante qui fricote avec des trafiquants de drogue et la dénonciation du capitalisme qui apparaît dans toute son horreur! Celui-ci fait irruption dans ce qui devait être une aventure spirituelle sous la forme d'une multinationale la Brain Force qui exploite l'image de Bouddha de la manière la plus lamentable : autocollants, chocolats, sirop contre la toux, lanternes, amulettes … et romans populaires à deux sous qui racontent les aventures fictives de Bouddha L’Éternel!

Finalement, la clef m'a été donnée par une interview de l'auteur sur France-inter qui m'a permis de comprendre que j'abordais mal ce roman, dans un esprit trop rationaliste : César Aira se réclame, en effet, du surréalisme et du dadaïsme dans lesquels il puise : " L’invention, la liberté, une certaine irresponsabilité, la possibilité de faire tous les arts sans faire aucune de façon professionnelle. "
Ainsi, si vous arrivez comme je l'ai fait avec des idées toutes faites et une idée traditionnelle de l'art romanesque vous risquez bien de passer à côté. César Aira déclare, en effet, qu'il n'a aucune intention précise quand il commence un roman :
"Je crois qu’il est inutile de l’avoir parce que l’écriture se moque des intentions, surtout dans mon cas, parce que j’écris en improvisant et je ne sais jamais ou me mènera l’imagination. Dans ce livre du Magicien Ténor, l’idée initiale était celle d’un magicien qui invente un tour de magie très spécial : monter et descendre un escalier en même temps. Quoi faire avec ce tour merveilleux ? Qui mériterait de connaître son secret ? Ainsi a commencé le voyage, qui m’a mené très loin."

Enfin, j'ai lu une belle analyse du roman par Matthieu Hervé dans Paper blog que je vous conseille parce que cet article m'a vraiment fait comprendre la démarche de l'écrivain mais aussi ce que doit être celle du lecteur : l'illusion étant au centre de l’œuvre, il ne faut pas entrer dans ce roman avec des idées établies, à la recherche de réponses qui de toutes façons s'infirment toutes.

"Impossible pour le lecteur d'anticiper une direction." Il faut donc "comme devant un spectacle d'illusionniste, (..) se laisser aller à l'étonnement, celui des couleurs et des paysages, de la Suisse et de l'Inde, des aventures rocambolesques, absurdes ou romantiques, de l'apparition de créatures étranges et amusantes, ou de lieux propices aux considérations philosophiques.

Tout le contraire de ce que j'ai fait en lisant ce livre! Il me reste donc à me laisser aller à mon imagination si je veux aimer César Aira.

En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/7133842/le-maitre-des-illusions-cesar-aira-le-testament-du-magicien-tenor-christian-bourgois-trad-marta-martinez-valls-par-matthieu-herve/

http://www.franceinter.fr/depeche-salon-du-livre-les-argentins-invites-et-les-absents

Anthologie du romantisme allemand

Christian Bourgois

9,00
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27 juin 2014

La légende dispersée anthologie du romantisme allemand

La légende dispersée est une anthologie du romantisme allemand de Jean-Christophe Bailly dans une réédition 2014 aux éditions Bourgois. Si le romantisme français m'est familier, je connais mal la littérature allemande romantique qui a eu une telle influence sur les écrivains de notre pays au début du XIX siècle. D'où le choix de ce livre pour la découvrir.

Mais d'abord pourquoi ce titre? Il évoque la façon dont le romantisme allemand est né, s'est propagé non en ligne droite, mais par ondes, par retour sur soi-même, interférences entre différents genres, sans système, unique et en même temps multiple.

Le romantisme allemand, en effet, n'est pas à proprement dit un "mouvement" car il n'éprouve pas le besoin d'établir des règles et des lois contrairement au romantisme français, au contraire il refuse les limites. Il est en fait un moment fugace mais brillant où sous l'influence de la Révolution française, les écrivains portèrent l'idée de liberté au plus haut degré; il ne s'agit pas d'une révolution au sens social ou politique mais spirituelle, aux formes multiples, une prolifération des sens entre les différents genres de la littérature mais aussi entre les sciences, l'art, la philosophie, une construction d'un mythe qui se propage, qui se démultiplie, se brise en éclats d'où le titre du livre que Jean-Christophe Bailly explique ainsi : "La légende dispersée est le nom romantique que j'avais donné à ce mouvement d'émancipation, à cette dissémination à la fois éperdue et rassemblée du sens".

Cette anthologie qui ne se veut pas exhaustive introduit d'abord les précurseurs du romantisme : Moritz, Jean-Paul, Fichte, Hölderlin. Puis sont présentés trois lieux distincts, Iéna, Heidelberg, Berlin, qui correspondent chacun à une époque du romantisme, trois périodes fluctuantes qui montrent le cheminement et l'évolution du romantisme, qui se succèdent rapidement et ne se donnent aucune structure : "et très vite le vent les souffle comme si les individus eux aussi étaient des grains de pollen, des fragments d'une entité qui doit rester invisible pour que les ondes puissent continuer à se propager des uns aux autres…"

Iéna en 1798 est l'explosion initiale : Novalis, Wackenroder, Tieck, August Schlegel, Friedricf Schegel, Schelling, Schleiermacher,

Heidelberg quelques années plus tard, / Et Berlin Bonaventura, Günderode, C Bretano, B. Brentano, Arnim, Kleist, CD Friedrich, PO Runge, Hoffmann, Chamisso, la Motte-Fouqué, J.Kerner

Enfin viennent les derniers noms d'un romantisme tardif : : Eichendorff, Waiblinger, Grabbe, Lenau.

Outre les caractéristiques principales du romantisme allemand, la multiplicité de ses voix originales, cette anthologie m'a permis de retrouver des noms qui m'étaient connus, Novalis, Hoffmann, Kleist, Friedrich, Runge, Lenau… et de rencontrer des auteurs qui me donnent envie d'aller plus loin dans leur découverte : par exemple Karl Philipp Moris (Anton Reiser) , Tieck (Frantz Sternblad ou Eckbert le blond) ou Chamisso (la merveilleuse histoire de Peter Schlemihl).

Philipp Moris (Anton Reiser)

"Le caractère limité de l'individu lui était sensible.
Il ressentait cette vérité : de tous les millions d'êtres qui sont et qui ont été on n'est jamais qu'un seul.
Son désir était souvent de s'imaginer en totalité dans l'être et dans l'esprit d'un autre -quand d'aventure dans la rue, il passait tout près d'un autre homme qui lui était complètement étranger- la pensée de l'étrangeté de cet homme, de la totale ignorance que l'un avait du destin de l'autre, devenait si vive que, dans la mesure où la bienséance le permettait, il s'en approchait de plus près qu'il pouvait pour accéder un instant à son atmosphère et voir s'il ne pourrait pas traverser la paroi qui séparait des siens le souvenirs et les pensées de l'étranger."

Anthologie du romantisme allemand

Christian Bourgois

9,00
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27 juin 2014

La légende dispersée anthologie du romantisme allemand

La légende dispersée est une anthologie du romantisme allemand de Jean-Christophe Bailly dans une réédition 2014 aux éditions Bourgois. Si le romantisme français m'est familier, je connais mal la littérature allemande romantique qui a eu une telle influence sur les écrivains de notre pays au début du XIX siècle. D'où le choix de ce livre pour la découvrir.

Mais d'abord pourquoi ce titre? Il évoque la façon dont le romantisme allemand est né, s'est propagé non en ligne droite, mais par ondes, par retour sur soi-même, interférences entre différents genres, sans système, unique et en même temps multiple.

Le romantisme allemand, en effet, n'est pas à proprement dit un "mouvement" car il n'éprouve pas le besoin d'établir des règles et des lois contrairement au romantisme français, au contraire il refuse les limites. Il est en fait un moment fugace mais brillant où sous l'influence de la Révolution française, les écrivains portèrent l'idée de liberté au plus haut degré; il ne s'agit pas d'une révolution au sens social ou politique mais spirituelle, aux formes multiples, une prolifération des sens entre les différents genres de la littérature mais aussi entre les sciences, l'art, la philosophie, une construction d'un mythe qui se propage, qui se démultiplie, se brise en éclats d'où le titre du livre que Jean-Christophe Bailly explique ainsi : "La légende dispersée est le nom romantique que j'avais donné à ce mouvement d'émancipation, à cette dissémination à la fois éperdue et rassemblée du sens".

Cette anthologie qui ne se veut pas exhaustive introduit d'abord les précurseurs du romantisme : Moritz, Jean-Paul, Fichte, Hölderlin. Puis sont présentés trois lieux distincts, Iéna, Heidelberg, Berlin, qui correspondent chacun à une époque du romantisme, trois périodes fluctuantes qui montrent le cheminement et l'évolution du romantisme, qui se succèdent rapidement et ne se donnent aucune structure : "et très vite le vent les souffle comme si les individus eux aussi étaient des grains de pollen, des fragments d'une entité qui doit rester invisible pour que les ondes puissent continuer à se propager des uns aux autres…"

Iéna en 1798 est l'explosion initiale : Novalis, Wackenroder, Tieck, August Schlegel, Friedricf Schegel, Schelling, Schleiermacher,

Heidelberg quelques années plus tard, / Et Berlin Bonaventura, Günderode, C Bretano, B. Brentano, Arnim, Kleist, CD Friedrich, PO Runge, Hoffmann, Chamisso, la Motte-Fouqué, J.Kerner

Enfin viennent les derniers noms d'un romantisme tardif : : Eichendorff, Waiblinger, Grabbe, Lenau.

Outre les caractéristiques principales du romantisme allemand, la multiplicité de ses voix originales, cette anthologie m'a permis de retrouver des noms qui m'étaient connus, Novalis, Hoffmann, Kleist, Friedrich, Runge, Lenau… et de rencontrer des auteurs qui me donnent envie d'aller plus loin dans leur découverte : par exemple Karl Philipp Moris (Anton Reiser) , Tieck (Frantz Sternblad ou Eckbert le blond) ou Chamisso (la merveilleuse histoire de Peter Schlemihl).

Philipp Moris (Anton Reiser)

"Le caractère limité de l'individu lui était sensible.
Il ressentait cette vérité : de tous les millions d'êtres qui sont et qui ont été on n'est jamais qu'un seul.
Son désir était souvent de s'imaginer en totalité dans l'être et dans l'esprit d'un autre -quand d'aventure dans la rue, il passait tout près d'un autre homme qui lui était complètement étranger- la pensée de l'étrangeté de cet homme, de la totale ignorance que l'un avait du destin de l'autre, devenait si vive que, dans la mesure où la bienséance le permettait, il s'en approchait de plus près qu'il pouvait pour accéder un instant à son atmosphère et voir s'il ne pourrait pas traverser la paroi qui séparait des siens le souvenirs et les pensées de l'étranger."